Voir à travers la jalousie
On oublie souvent que le mot « jalousie » étymologiquement désignait en italien « geloso » un treillis destiné à dissimuler les femmes des regards en Orient. Cette capacité d’enfermement, de possession que permet ce treillis de fer ou de bois permettant de voir sans être vu est en lien direct avec la notion de « jalousie » du point de vue psychologique. C’est pourquoi proposer une édition cinématographique Cinépsy Maroc 2025 sur la thématique de la jalousie revient à renouer avec les racines même du mot en appelant à ouvrir les persiennes et à voir à travers la jalousie pour en comprendre le lien profond avec l’identité humaine.
Figure anthropologique viscérale, la « jalousie » en tant qu’émotion relevant du trouble de l’affect est généralement décriée par tous comme faisant partie des dysfonctionnement primitifs de l’être humain. Elle est cependant une matrice nécessaire de subjectivation et constitutive du lien social. Toxique, elle devient « narcissisme » mais que serions-nous sans cette possibilité de dire « Et moi ? » Et si l’ « émulation », ce sentiment si noble qui nous pousse à faire aussi bien voire mieux que l’autre, n’était en fait qu’un dérivé de la jalousie ? Et si le désir, cette pulsion de vie qui nous permet d’entrer en vibration quasi énergétique avec l’autre venait de cet instinct primaire du « Moi aussi j’ai droit…. », « Moi aussi je veux…. ». L’un des attributs de l’enfance est l’incapacité à nommer sans l’apprentissage du lien entre « mot » et « objet » désigné par le mot. Nous ne voyons que ce que l’on nous apprend à voir en nommant. Et si nous ne désirions que ce qui a créé en nous à un moment donné une intime volonté du « même », un sentiment puissant d’une jalousie saine qui nous pousserait à aussi « oser vouloir ». Tout comme la femme garde « jalousement » l’enfant en elle pendant 9 mois, elle devra accepter de le lâcher, le livrer au monde en oscillant toujours entre « jalousie morbide » et « jalousie saine ». « Je laisse cet enfant au monde mais je reste sa référence maternelle pour lui permettre de bien vivre ». Tout comme dans le premier réflexe respiratoire, l’air jalousement inspiré et gardé dans les poumons crée une forte expansion pulmonaire pour permettre aux alvéoles de s’ouvrir en forçant l’enfant à lâcher le premier cri.
Jalousie dans le lien amoureux, dans les liens familiaux, en particulier fraternels, mais aussi dans les liens amicaux et professionnels, cette capacité de regard sur l’autre et cette envie de possession, de jouissance exclusive restent profondément ancrés dans l’humain mais pas seulement pour être complétement combattue. Le treillis qui dissimule les femmes au regard peut aussi être une volonté de préservation et de bienséance. Il est temps d’apprendre à voir à travers la jalousie en essayant d’en extraire ce ressort vital puissant et en apprenant à en apprivoiser l’élan énergétique positif qui s’en dégage.